mardi 24 août 2010

Niveaux d'analyse

Je vais compléter les niveaux d'analyse :

Niveau 1 : Texte en format "normal" : description de la situation.
Niveau 2 : Texte en italique : éléments d'analyse de l'institution.
Niveau 3 : Texte en vert : analyse du transfert.

Chaque niveau a son intérêt :
Niveau 1 : la description de l'aspect interculturel domine.

Niveau 2 : à l'aide de quelques analyseurs, j'essaye de mieux comprendre le fonctionnement de l'institution. S'il y a(vait) des changements à porter, c'est à ce niveau et dans une stratégie plutôt collective que se situe(erait) l'intervention.

Niveau 3 : autant l'institution a un inconscient collectif autant l'individu un inconscient personnel. Il est donc normal que les deux interagissent. La dimension personnelle présente dans ces textes n'est pas un épanchement. Il s'agit d'un travail d'élaboration pour mieux comprendre certaines interactions, pour tenir compte de l'implication du chercheur lorsqu'il se penche, dans un écrit de type ethnographique, sur l'institution dans laquelle in travaille. Il s'agit de relever et de pointer qq. éléments de transfert (et de contretransfert) qui se présentent tout en gardant une certaine pudeur.
Ces analyses de transfert auront toujours lieu plus tard. Pour plus de lisibilité, je les insère à la date à laquelle j'ai noté l'observation.

samedi 21 août 2010

La paranoïa ordinaire d'une institution

Dans mon établissement (et en Allemagne en général ?), l'enseignant doit confirmer deux fois par an (après chaque semestre) qu'il a bien effectué le service horaire qu'on lui demandait d'assurer.
Il faut dire qu'en France, aucun service administratif universitaire ne m'a jamais demandé, après coup, de certifier que j'ai réellement effectué mes 192 heures de TD. Il allait de soi que je les ai faites, car il y avait maintes moyens de le vérifier sans que je ne le confirme explicitement. - En Allemagne c'est différent. Soit. Un peu plus de paperasse. Soit.

L'affaire commence à se "compliquer" lorsque le secrétariat nous interdit explicitement de transmettre le formulaire par courriel comme document électronique avec une signature électronique. Il faut le rendre imprimé et signé manuellement.

Il est vrai qu'on pourrait tricher et faire signer le papier par quelqu'un d'autre. On pourrait tricher en donnait des fausses informations. (Pourquoi seraient-elles d'ailleurs plus justes ou fausses en papier imprimé ?) L'administration dispose déjà de toutes ces / nos informations par le biais du programme imprimé, à travers la plateforme d'apprentissage où les cours sont répertoriés (avec les listes des étudiants y participants), etc., etc. De plus, d'après le dire du secrétariat, le directeur des études passent dans les salles / couloirs pour vérifier si nos cours ont bien lieu…
On sait qu'une institution mal "réglée" à une forte propension à développer des comportements paranoïaques. Mais à ce point ? - L'hyperbole qui me passe par la tête : "Plus parano qu'elle, tu meurs…"

vendredi 20 août 2010

Une bureaucratie qui réfléchit…

…cela arrive réellement ; je le dis sans sous entendu ironique.

Sujet : la commande d'une nouvelle revue pour la bibliothèque universitaire.
Règlement : chaque unité (département, cursus, etc.) paye l'abonnement sur son budget de bibliothèque.
Situation : Plusieurs unités souhaitent s'abonner à une nouvelle revue sur le bilinguisme. Aucune ne dispose d'un budget suffisant pour la financer seule. Donc nous - 5 départements et cursus - faisons une demande collective en demandant de préempter un 5e du coût de l'abonnement à chaque unité.
Cela fait une comptabilité d’apothicaire (et est un fonctionnement absurde), mais c'est le règlement.
Le directeur de la bibliothèque nous écrit en disant que c'est comptabilité impossible à tenir et il prend la responsabilité pour faire passer l'abonnement sur le budget général de la bibliothèque.
Quelle surprise agréable. Je crois que c'est la toute première fois que je vis un tel évènement dans cet établissement : en règle général, elle intervient dans le sens contraire ; pour une fois qu'une direction prenne ses responsabilités et intervienne pour faciliter les procédures administratives, cela est un fait tellement rare qu'il mérite d'être narré …et admiré. Donc : "Oyé oyé, braves gens !"

mardi 17 août 2010

Critique de la bureaucratie universitaire (3)

Comme lectures intéressantes, je recommande :
Lapassade, Georges. 2008. De Vincennes à Saint-Denis, Essai d’analyse interne. Paris: AISF.
Boumard P., Hess R., Lapassade G. 1987. L’Université en transe, Paris : Syros.

L'écrit polémique de Hans Flach (1886) vaut le détour :
Hans Flach. 1886. Der deutsche Professor der Gegenwart. Leipzig: Verlag von Albert Unflad.

Comme moyen d'intervention et d'implication, le concept du "groupe opérant" me semble être le plus pertinent. Voir : Enrique Pichon Rivière. 2004. Le processus groupal. Paris : Ed.: Erès.

vendredi 6 août 2010

Critique de la bureaucratie universitaire (2)

Critique de la bureaucratie universitaire comme critique de la formation tout au long de la vie

Michel Crozier définit la bureaucratie comme "une organisation qui n'arrive pas à se corriger en fonction de ses erreurs." (Michel Crozier : 1963, Le Phénomène bureaucratique, Paris : Le Seuil, p. 229).

Cornelius Castoriadis pousse cette critique plus loin en en disant que lorsque les institutions considèrent ce qui est institué comme indubitable, elles tendent à leur reproduction inertielle (cf. Cornelius Castoriadis 1999 : Les carrefours du labyrinthe, tome 2 : Domaine de l’homme, Paris : Éditions du Seuil, collection « Points-Essais », p.477).

La critique des Sciences de l'Éducation en Allemagne reste, à ce niveau, figée dans la tradition de la théorie critique. Prenons une des publications récentes dans ce domaine, celle d'Astrid Messerschmidt (en l'occurrence son HDR) ; elle en est un bon exemple :

"[Es ercheint mir angemessen], von einem fragilen Konzept der Bildung auszugehen, das es mir ermöglicht, Brüche und Infragestellungen meiner eigenen durch Bildung angeeigneten Selbst- und Weltbilder zu artikulieren. Dabei riskiere ich zwar eine gefestigte Position, eröffne aber Zugänge für ein Bildungskonzept, das nicht ignorant bleibt gegenüber den inneren Brüchen in seiner jüngeren Geschichte. (Astrid Messerschmidt : 2009, Weltbilder und Selbstbilder, Frankfurt / Main : Brandes & Apsel, p. 254).

L'auteur exige un haut de niveau de réflexion, entre autres, de sa propre position en tant que chercheur et pédagogue, mais elle y reste figée. Toute implication dans la triade 'institution – institué – instituant' demeure un appel sans suite. Il n'est pas étonnant qu'en Sciences de l'Éducation allemande, la socianalyse / l'analyse institutionnelle, le concept des groupes opérationnels restent pratiquement inconnus.

En absence de toute critique de la vie quotidienne de l'institution de formation, de la formation elle-même, par manque d'implication réelle, cette approche, issue de la théorie critique (certes mise au goût du jour dans ses références conceptuelles), ne fait que consolider et perpétuer le mode de fonctionnement de la formation ; elle relève de l'idéologie au lieu de le faire évoluer, voire l'aider à changer. Cette approche de la théorie (néo-)critique affiche des buts très ambitieux mais n'améliore en rien l'efficacité du système de formation (son inefficacité étant reconnue par la tutelle ministérielle, les futurs enseignants et les chercheurs eux-mêmes…).

La bêtise - la qualité de l'homme la mieux partagée…

"Hauteville House", la maison de V. Hugo sur Guernsay, est la propriété de la ville de Paris qui la gère. Sur l'île, la monnaie est le sterling. 80% des visiteurs de "Hauteville House" sont des Français arrivant de la Normandie en bateau, donc avec l'Euro. Il est cependant impossible de payer l'entrée avec cette monnaie. "L'administration française ne peut tenir une comptabilités en deux monnaies différentes." me dit-on.
C'est nouveau, ça. Ça vient de sortir…

mercredi 4 août 2010

Promotion de la qualité de la recherche…

Pour un certains nombre de projets, nous avons recours à des étudiants moniteurs, rémunérés, qui nous aident dans la gestion de la recherche, nous soutiennent dans la collecte de données, etc. Rien de plus normal dans le domaine de la recherche universitaire.

Cela dit, ces étudiants ne sont pas des chercheurs confirmés (on ne les paye pas non plus comme tels…). Donc, ils sont, objectivement parlant, moins performants qu'un véritable chercheur : ils transcrivent des interviews moins vite ; ils ne maîtrisent pas encore tous les logiciels de gestion des données (il faut donc les y initier ce qui prend du temps), etc., etc.

On peut regretter cet état de fait et réclamer un personnel de recherche plus qualifié, entre autres, "pour garder notre image de marque quant au haut niveau de recherche qui caractérise notre établissement", me dit-on. Pourquoi pas. Mais qu'on nous donne alors l'argent pour employer un personnel plus qualifié. - "Il n'y a pas d'argent," me dit-on. Mais, me demande-t-on, "il faut davantage contrôler nos étudiants moniteurs pour qu'ils fournissent les mêmes résultats dans les mêmes délais qu'un chercheur confirmé, pour éviter que l'établissement ne se ridiculise auprès de ses partenaires."

Conséquence pratique de cette politique de recherche : le moniteur doit désormais noter exactement ce qu'il faut, quant il le fait, en combien de temps, etc.

Répercussion sur les activités de recherche : au lieu de laisser une certaine marge de liberté au moniteur pour l'émuler, on demande de le contrôler plus. Ses résultats ne comptent pas ; il doit passer un temps précieux de son travail à noter ce qu'il fait, quand et comment. Déjà, on critique son peu d'efficacité. Là, on diminue encore son rendement par des mesures bureaucratiques réellement inefficaces. Seule une bureaucratie loin des réalités du terrain peut énoncer de telles mesures.

"Elitisme républicain" à l'allemande

La direction souhaite promouvoir une émolation entre chercheurs. Ainsi, il a introduit, il y a quelques années, un système de "points de qualité-recherche" : pour chaque publication, participation à des jurys de thèse, etc., etc., tout enseignant obtient des points convertis en une somme d'argent qui, annuellement, est versé au budget de fonctionnement de son unité de travail.

Excellente idée, concept innovateur ; on ne peut que féliciter la direction pour une telle initiative !
Chaque chercheur est informé, par lettre papier (!), de ses "émoluments".

Cependant, version allemande de l'élitisme républicain français, que cette émulation ne se sache sûr tout pas ! Le classement individuel est tenu secret, exprès, car l'équivalent allemand de la "loi de liberté et informatique", interdit, semble-t-il, la publication d'un listing nominatif. Ce sont des données sensibles, me dit-on. De plus, m'informe-t-on lorsque j'insiste, les autres collègues, ayant moins de points de qualité-recherche pourraient envier le chercheur qui en auraient plus…
D'accord, s'il faut dissimuler les efforts individuels, rendons alors public le classement par laboratoire ou par unité. Que nenni ! Ce classement par unité, "plus neutre", est également tenu secret. Je pourrais avoir connaissance du classement de mon unité, à titre individuel ,si je ne divulgue pas l'information…

Une bonne administration bureaucratique veut bien promouvoir un peu d'élitisme, mais surtout pas trop, car le principe d'égalité entre fonctionnaires, tout enseignant-chercheur universitaire l'est, est l'ordre suprême…

Pour la petite histoire : comme toute bureaucratie traditionnelle a du mal a garder ses secrets, j'ai quand même pu savoir que mon laboratoire dans son ensemble et moi-même, à titre individuel, nous faisons partie des meilleurs du classement. Mais surtout, ne le racontez à personne ; cela pourrait faire des jaloux - et c'est "top secret"…

dimanche 1 août 2010

Critique de la bureaucratie (1)

Pourquoi critiquer la bureaucratie d'un établissement universitaire ?

• L'interculturel

Cette critique relève, dans mon cas, (aussi) de l'enjeu interculturel : j'ai commencé ma carrière universitaire en France et relève tout ce qui est différent et (me) "dérange" dans une université allemande. Mais à quoi bon ce jeu interculturel individualiste ?! Je n'aurais qu'à me ranger, de rentrer dans le moule, d'accepter la différence. Cette remarques m'est souvent faite par mes paires (mais pas par mes collègues du département de français dont je suis le directeur…) et qui me considèrent comme un "électron libre" difficile à intégrer. Cette réflexion n'est pas complètement dénuée de sens. Mais cet aspect de ma critique de la bureaucratie est accessoire.

• Le bon sens populaire ou "le syndrome de la promotion Focus" / "le principe de Peter"
« Tout employé tend à s'élever à son niveau d'incompétence. » Cet énoncé relève de la boutade mais n'est pas complètement erronée car il pointe la faiblesse du type d'organisation pyramidale.
Mais plus sérieusement référons-nous d'abord à la philosophie.

• La morale
Kant fonde la morale sur le critère de l'Universel : n'est que moral ce qui peut être 'universalisé'. Tous les arbitraires, les abus et privilèges qui émergent dans une organisation bureaucratique (parfois à l'insu des acteurs eux-mêmes) méritent d'être dénoncés au nom de cette morale kantienne, de son impératif catégorique.

Aujourd'hui, la critique de la bureaucratie doit dépasser la morale d'un Ricoeur – approche herméneutique et individualiste – et d'un Hambermas – la théorie critique et le principe de l'Agir communicationnel dualiste idéal – qui se cantonne aux rapports intersubjectifs. Elle doit s'incarner dans le politique, dans les rapports sociaux pour éviter de tomber dans un cynisme gestionnaire réputé et répandu dans le milieu universitaire : la posture du chercheur, soit-elle objectiviste et naturaliste ou plus "subjective" et impliquée, perd de sa superbe pour se résumer à des jeux de pouvoir, de domination.